L’histoire de yasmine
Je m’appelle Yasmine.
Je suis née le 10 novembre 2009 à Quneitra en Syrie, dans un pays déjà marqué par les prémices du conflit. Mes premiers souvenirs d’enfance sont ceux d’un pays en paix, mais très vite, la guerre a envahi notre quotidien.
À neuf ans, j’ai dû fuir avec ma famille, laissant derrière nous tout ce que nous avions toujours connu. La Syrie n’était plus un lieu sûr, et notre seul espoir était de trouver refuge au Liban. Nous nous sommes installés dans le camp de Kamed 009, où la précarité est devenue notre réalité.
La vie dans le camp n’a rien de facile. Les tentes serrées les unes contre les autres, le froid qui pénètre nos maigres vêtements en hiver et la chaleur écrasante en été, sont devenus notre quotidien. Le bruit constant des gens qui se déplacent, des enfants qui pleurent et des adultes qui discutent de leurs malheurs : tout cela crée une atmosphère pesante, oppressante. J’ai vite compris que rien ne serait plus jamais comme avant.
Ma mère, qui était mon réconfort et ma force, est décédée peu de temps après notre arrivée.
Sa perte a laissé un vide immense dans mon cœur, rien ni personne ne peut combler. Je me suis sentie perdue, sans repère, dans ce monde qui semblait m’avoir tout pris. Mon père s’est alors remarié avec ma tante, la sœur de ma mère. Elle est devenue ma belle-mère, et même si elle tente de prendre soin de nous, ce n’est pas pareil. Ce n’est pas ma mère.
La famille que j’ai connue autrefois, pleine de chaleur et d’amour, s’est transformée. Je me retrouve à devoir m’occuper de mes trois sœurs et de mon frère, tout en tentant de comprendre ce nouveau rôle que je n’ai jamais voulu assumer. La douleur de sa perte est constante, mais je dois être forte, pour eux, pour moi.
Je n’ai jamais abandonné mon rêve de devenir docteur. Non seulement pour moi, mais pour aider ceux qui, comme ma famille, n’ont pas accès aux soins dont ils ont désespérément besoin. Dès que j’ai su qu’il y avait des cours dans le camp, je m’y suis inscrite. L’école est devenue mon refuge, un endroit où je peux oublier, ne serait-ce que pour quelques heures, les difficultés de la vie. Je m’accroche à mes études avec toute la détermination que je peux rassembler.
J’ai travaillé sans relâche, jour après jour, pour ne pas perdre de vue cet objectif. Aujourd’hui, j’ai terminé ma 5e, un accomplissement dont je suis fière. Mais je sais que ce n’est qu’une étape, une pierre sur le chemin encore long qui mène à mon rêve.
Il y a des moments où je me demande si je pourrais un jour quitter cet endroit qui me rappelle chaque jour ce que j’ai perdu. Mais je garde espoir. Je rêve de quitter le camp de Kamed 009, de vivre dans une maison, une vraie maison, avec des murs solides, un toit qui ne fuit pas, et des fenêtres qui laissent entrer la lumière du jour. Je rêve d’un foyer où je pourrais retrouver la paix et la stabilité que j’ai perdues.
Au fond de mon cœur, mon plus grand rêve est de retourner en Syrie. Je veux revoir ma terre natale, marcher sur ses routes, retrouver ce que la guerre m’a pris. Je veux reconstruire une vie digne et heureuse dans le pays qui m’a vu naître.
Histoire de Yasmine illustrée par Guillaume Guedre
Soutenir l’enfance au Proche-Orient